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Vie pratique

Le compostage en Alsace

Dans le cadre du Tour des Régions Française du Compostage (TRFC), nous sommes partis à la rencontre du professeur Albert Müller, grand expert biologiste du Sundgau (Haut-Rhin) en Alsace . Outre la visite de plusieurs villes alsaciennes et la dégustation de leurs spécialités culinaires et totalement compostables (Strasbourg, Breuschwickersheim, Mulhouse, Colmar…), nous avons pu assister à une conférence de la communauté d’agglomération de Truchtersheim sur le compostage. Le récit de ce voyage vous est dévoilé dans la suite.

Départ en train de Lyon

Partis de l’agglomération de Lyon dont les habitants font preuve d’un grand sens de la désobéissance en compostant hors conteneurs, nous nous attendions à passer une journée sinon plus dans un train désaffecté et miteux. Et bien, pas du tout ! L’Alsace, de part sa position si centrale qu’on ne sait très bien à quel pays elle appartient en Europe, est desservis depuis peu par le TGV français (nous n’avons pas vérifié en Allemagne). Ce sont donc à peine 4 petites heures de train qu’il nous a fallu pour rejoindre le professeur Müller à Mulhouse (68).

Premier jour en soirée : Mulhouse, la ville de l’asphalte

Arrivés de nuit, la ville de Mulhouse nous a paru morne et stérile. Et c’est effectivement les échos que nous en a donné le professeur Müller :

« Mulhouse a longtemps été considérée comme la commune mal famée du compostage en Alsace avec ses rues à moitié bétonnés, ses terrains vagues et ses habitants douteux – je vous parle des années 1975. Aujourd’hui, les Élus se sont un peu bougés, sous la pression de Strasbourg, mais on retrouve toujours, en souterrain, un fort lobby du pétrole. Le Service Gestion des déchets a entrepris une énorme campagne d’asphaltisation (la « piétonnisation verte » comme vantée lors de la campagne) avec accueil d’un tram au centre ville. Niveau déchets, ils ont tout misés sur les décharges semi urbaines (c’est à dire sous la ville donc pas vraiment dans la ville…). Autant dire que pour eux, le compostage, c’est tout qui y passe, une horreur ! »

Le professeur nous avait loué 2 vélos et c’est en « Vélocité » que nous nous sommes retrouvés chez lui, à l’heure où sa femme était déjà assoupie. Tradition oblige, le traditionnele « Brotwurscht » de minuit  » (l’équivalent des pâtes de nuit bien connus des étudiants), sorte de pain à la saucisse, a eu raison de nos appétits de voyageurs.

Le ‘Brotwurscht », une histoire d’amour entre le cochon et l’alsacien

Deuxième jour au matin : Colmar (ou plutôt vers Colmar)

De bon matin, nous avons repris la route direction Colmar. Deux heures de voie cyclable le long du canal du Rhône au Rhin à vélo pour rejoindre Mr Gérard Beckert dans son jardin potager, fleuron du compostage local. Mr Beckert, un grand ami d’Albert, est selon ses dires, un « grand résistant du compostage dans sa commune ». Alors que tous semblent prôner l’incinération à tout prix, quitte à faire bosser des techniciens étrangers (les chômeurs locaux ne veulent pas faire le travail) dans des usines de concentrations de déchets solides, Gérard a monté sa petite SCOP familiale, la « Flèche verte » (pas encore informatisée) pour faire déguster et vendre les fruits de ses plantations nourries au compost.

« L’intérêt de ma SCOP, est de pouvoir faire bosser ma famille sans trop payer de taxes tout en montrant aux voisins que composter est un geste facile et même esthétique » explique Gérard, un verre d’Amer (Picon) à la main.

Mr Beckert, pour l’occasion, a bien voulu nous montrer ce qu’il appelle sa « Blat hause  » (maison de feuille), un compost de feuilles d’arbres de vergers destiné à faire un compost bien spécifique, écoutons le :

« Y’en a qui disent de mettre les feuilles un an dans un sac plastique pour favoriser par compression le travail des micro organismes. Mais moi, le plastique, j’aime pas trop. Et puis, en tas, ça marche très bien aussi ! On a de petites surprises de temps en temps mais mon fils aime bien s’en occuper. Pose la bêche, maintenant, Franzala ! Y’a pas de taupes à buter ! Pose ça, j’te dit ! Il est un peu bête mais pas méchant, c’est sa mère qui voulait le garder à la maison, vous comprenez. Hein mon p’tit Franzala ! »

« Arbeit macht chiesse ! » Franzala

Un engrais, donc, très spécifique pour les géraniums, les plantes d’ornements et même les chrysanthèmes.

« Faut bien fleurir la belle mère de temps en temps, enfin, c’est pas elle qui nous en voudra, fertanmi ! »

Nous avons quitté ces joyeux lurons après une fameuse Sauerkraut au Gewurtztraminer et une petite sieste au centre ville.

Deuxième jour en soirée – Déclenchement du plan hibou

Sur la route (zigzaguant) vers le Nord (67- département du Bas Rhin), nous avons fait plusieurs haltes aux abords des arbres du Haut Rhin pour tester le pouvoir fertilisant de l’urine sur les végétaux, selon Albert.

Je pisse du Gewurtz !!

Arrivés aux abords de Breuchtwickersheim, nous avons appris par la radio Dreyeckland, le déclenchement du plan hibou suite à un cambriolage. Plan pris très au sérieux par Albert, celui ci nous a fait nous cacher dans un ancien bunker pour nous abriter « au cas où ». Heureux comme nous l’étions, nous avons agréablement finis la soirée autour (dans) une bouteille de Schnaps lorrain à la mirabelle.

« Comme quoi, y’a pas que des trucs pourris en Lorraine, y’a aussi des trucs fermentés ! »

Troisième jour en début d’après midi – Strasbourg la magnifique

Fourbus, crottés et trempés, Albert a tout de même tenu à nous faire visiter la grande capitale de Strasbourg. Nous y avons vu sa cathédrale à une seule tour (« Ces fullanzer ont même pas finit le travail ! »), ses bateaux mouches, son canal, ses rues pavés, sa petite France et fausse Venise et, merveille des merveille, la douche de l’auberge « Au Lion d’Or » qui nous a ensuite réunis autour d’un bon Baeckeoffe aux morilles accompagné de patates rôties et arrosé d’Edelzwicker (vin local, mélange de cépages).

« A Strasbourg, on préfère l’ »hydrocompostage » au compostage solide telle qu’on le connait », explique le professeur Müller, « en fait, on se dit que les Belges doivent composter ce que les Suisses leur envoient par le Rhin. Nous, on ne fait que prolonger le travail de ceux qui nous précèdent ! Et je parle pas de ces cochons d’Allemands qui, en plus pissent leur bière dans notre rivière chérie ! »

Une bien belle allégorie pour insister sur le caractère encore archaïque du traitement des déchets à Strasbourg. Ville classée plutôt dans les incinératrices, beaucoup de déchets organiques sont jetés anarchiquement en rivière ce qui rapprochent encore la corrélation avec la belle Venise.

Une fin de repas plutôt houleuse, quand on aborde la question allemande. Mais tout se résout avec une bière locale. Gageons que le composteur à caca de l’auberge a bien servis !

Quatrième jour en soirée – Conférence sur le compostage à Truchtersheim le haut

Après un petit tour sur la route des vins, nous revoilà, clairs et alertes pour assister à la conférence de la communauté d’agglomération de Truchtersheim le haut. Nous avons entendu le conseiller au maire adjoint nous raconter ses efforts pour se faire élire,(pour faire court), puis un adjoint à la ville a réclamé des subventions pour l’embauche de 50 « Herr compostator » (maîtres composteurs en alsacien) pour favoriser la mise en place de 1200 nouveaux composteurs (l’agglomération de Truchtersheim – Belenheim en compte déjà 612)

En sa place de président de la CIS (Communauté interurbaine de Strasbourg), Mr Rotmeyer a tenu à préciser que sur les 271 708 habitants de Strasbourg (7ème ville de France), 62% des habitants avait déjà composté au moins une fois dans leur vie, ce qui représentait un potentiel de 56 152 composteurs possibles (en considérant une moyenne de 3 personnes par famille) – chiffres à considérer pour Truchtersheim.

En intermission, nous avons eu le plaisir de ne rien comprendre à plusieurs witz (blagues) alsaciennes utilisées pour détendre l’atmosphère alors que les maires de Truchtersheim le haut et Truchtersheim le bas commençaient à se tirer les mérites du projet « Compostons en alsacien » (futur projet très innovateur prévu pour 2013) ainsi que leurs habits de manière insistante.

« Esch du nasel ? Nein ! Esch du cacahuet ? » – chute d’une blague qui a fait rire tout le monde, sauf nous.

La réunion s’est poursuivie, par un listing des projets régionaux puis par communauté d’agglomération avec des présentations de plusieurs thèses de chercheurs locaux. Le professeur Albert Müller s’est particulièrement fait remarqué en sa qualité d’expert biologiste au laboratoire de Mulhouse par sa thèse sur la « reproduction filiforme des vers de compost sur lit de grande consoude et de pelures de citrons ».

Au total, plus de 1450 personnes auront participé à ce colloque-conférence, venus de toute l’Alsace pour comparer leurs efforts et constater que, finalement, l’Alsace mérite bien sa place en 5ème position du classement des régions sur la fréquence de compostage des ménages .

Cinquième jour – Retour à Lyon

Les mains chargés de cubis (emballage compostable) de pinots de différentes couleurs, nous sommes rentrés chez nous, après avoir bien salué Albert par la fenêtre de notre wagon. Le professeur s’est montré étrangement ému de notre départ. Il nous a bien sûr promis un visite. Nous l’attendons avec impatience et de pieds ferme !

Solu biss ome Albert !

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